Jardins, bassins et fontaines de l’Alhambra: luxe calme et volupté

Alhambra jardins et fontaines

L’ Andalousie est une région sèche. C’est aussi une région enchanteresse où les Maures, entre le VIIIème et le XVème siècle, ont édifié des cités où il faisait bon vivre. Plus encore, leur génie en matière hydraulique a permis la création de joyaux, parmi lesquels les palais et jardins de l’Alhambra à Grenade. Déambuler et paresser dans les jardins, écouter le délicieux clapotis des fontaines, se délecter du miroitement des bassins font partie des innombrables plaisirs de ce petit paradis. Alors comment les Maures ont-ils réussi un tel miracle dans une région aussi sèche ? Leur ingéniosité pour maîtriser l’eau nous impressionne encore aujourd’hui car ils ont réussi à capter l’eau sans l’épuiser et à en optimiser l’utilisation dans tous les domaines de leur vie quotidienne.

Un peu d’Histoire

Lors de l’arrivée au pouvoir du sultan Mohammed Ier en 1232, il ne reste plus grand chose d’Al Andalus, ce territoire ibérique conquis par les musulmans en 711. Pourtant, c’est au fondateur de la dynastie nasride, que l’on doit l’édification de l’Alhambra en 1238. Résidence des différents souverains arabes, l’Alhambra connaîtra au fil du temps de nombreux embellissements et transformations et verra son apogée au XIVème siècle. 

Une situation stratégique

Mohammed Ier a choisi Grenade, au pied de la Sierra Nevada, pour des raisons stratégiques: vassal de Ferdinand III de Castille, il décide de parer les attaques potentielles en construisant son palais sur la colline de la Sabika. Il lui faut également assurer sa sécurité en eau pour pouvoir vivre en autarcie si nécessaire.

Le sultan est assuré d’une eau abondante et pure, puisque Grenade est située à la confluence de deux rivières, le Darro et le Genil, et bénéficie de l’eau issue de la fonte des neiges de la Sierra Nevada.

L’ingéniosité hydraulique des Maures

Le Genil est la source du réseau hydraulique de la cité. Il alimente l’Acequia Real, canal d’irrigation au cœur du système hydraulique de l’Alhambra. L’Acequia Real permet à la cité de se développer en fournissant une grande quantité d’eau.

En effet, si les Romains avaient déjà inventé un système d’irrigation efficace en Andalousie grâce aux canaux et aqueducs, les arabes améliorent encore ce système grâce à un savoir-faire et à des techniques innovantes.

Ainsi, la noria, encore appelée roue à godets, a été inventée par les arabes dès le Vème siècle. Elle est constituée d’une grande roue qui se trouve sur un canal d’irrigation, l’acequia, et permet de monter l’eau jusqu’à un autre canal qui se trouve en haut de celle-ci. Ce système d’irrigation permet d’atteindre les jardins en hauteur.

Remarquons également que l’acequia possédait des « respirateurs » afin d’oxygéner l’eau et de contrôler son débit.

Une fois l’eau acheminée dans la cité, celle-ci doit être stockée. C’est le rôle des albercones ou des albercas, citernes et bassins destinés à différents usages comme l’irrigation ou bien les tâches ménagères. Il existait aussi des aljibes qui étaient des citernes fermées ou couvertes offrant une eau protégée et pure destinée à la consommation. L’eau était distribuée directement dans les maisons grâce aux multiples canaux.

Les fontaines étaient également très nombreuses à cette époque dans les habitations, en raison de la multiplicité de leurs fonctions et notamment de la distribution de l’eau.

Des fontaines somptueuses et ingénieuses

Les premiers savants arabes qui se sont intéressés aux mécanismes ingénieux sont les frères Banu Mussa au IXème siècle, dans un traité où ils décrivent notamment six fontaines dont les unes permettent un échappement d’eau sous différentes formes (lys, cascade ou jet intermittent). Puis au XIIème siècle, Al-Jazari alliera la connaissance des traités de ces prédécesseurs et son propre talent pour élaborer de nouveaux systèmes ingénieux pour les fontaines.

Les fontaines font partie de l’architecture hydraulique de l’Alhambra notamment dans le Généralife et le palais des Nasrides. Elles sont admirables tant d’un point de vue esthétique que technique.

Ainsi, le patio du Sultan dans les jardins du Generalife, datant de 1319, disposait de jets d’eau qui se déversaient dans un bassin et des canaux qui irriguaient la végétation luxuriante. La fontaine de la Cour des Lions qui date du XIVème siècle est constituée de douze statues de lions (datant du XIème siècle) surmontés d’une vasque. L’eau jaillit vers le haut dans la vasque, s’écoule de la gueule des lions et alimente ensuite les quatre canaux de la cour.

Soulignons qu’aucune fontaine, ni aucun jet n’est alimenté par des pompes (ceci est encore vrai aujourd’hui). Toutes ces fontaines fonctionnent par gravité à partir d’un siphon.

Les fontaines permettent l’approvisionnement des albercas ou des canaux d’irrigation des jardins, l’alimentation en eau des demeures pour les besoins quotidiens. Elles constituent également une source de fraîcheur.

Une adéquation parfaite entre eau et architecture

L’eau, omniprésente dans l’Alhambra et répartie de façon très équilibrée, rafraîchit les habitations. Cette fraîcheur, maintenue par les pierres et le marbre aux couleurs claires, est renforcée par l’ombre des murs. Les végétaux dans les jardins émettent de la vapeur par transpiration et augmentent également la fraîcheur en créant de l’ombre.

En effet, l’eau permet d’humidifier l’air et donc de le rafraîchir, car lorsqu’elle passe d’un état liquide à un état gazeux, elle a besoin d’absorber une certaine quantité́ de chaleur. Enfin, le fait que l’eau soit en mouvement renforce la fraîcheur car l’eau n’a pas le temps de se réchauffer en stagnant. L’eau des fontaines se régénère ainsi en permanence et rafraîchit l’air et les personnes alentour.

Une consommation optimisée

L’eau est donc utilisée pour la décoration des palais, pour l’agriculture, l’artisanat, la vie quotidienne, la consommation, ainsi que pour la vie religieuse notamment les ablutions. En bref, elle est nécessaire dans tous les aspects de la vie quotidienne.

L’Alhambra illustre ainsi la parfaite maîtrise de l’eau par les Maures qui ont su exploiter les ressources naturelles à des fins diverses sans pour autant les épuiser et en nous offrant l’Alhambra comme témoignage grandiose de leur culture.

Isabelle Gheleyns-Guedj

Sources: Bénédicte Vicente Beaufils: L’expression de la culture de l’eau dans l’ Alhambra : poids de la réalité et pouvoir de l’imaginaire

Alhambra de Granada.org

www.miroir.overblog.com: Les Fontaines et La science des mécanismes ingénieux

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Les fontaines et bassins de Versailles: ordre et beauté

 

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