Nourrir une planète qui manque d’eau, le défi de la reviviscence

Reviviscence

Certaines régions de la planète manquent d’eau. Le changement climatique et l’accroissement de la population vont conduire à une généralisation de ce stress hydrique d’ici quelques années. Or, l’agriculture consomme énormément d’eau.

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 C’est pourquoi les scientifiques cherchent des solutions alternatives qui permettraient de nourrir l’ensemble de la population mondiale avec des cultures qui nécessiteraient moins d’eau. Jill Farrant, une biologiste sud-africaine, a peut-être trouvé la solution grâce à la reviviscence de certaines plantes.

Des plantes dépendantes de leur milieu

 L’eau est indispensable à la vie. Or, les plantes sont constituées de 80 à 95 % d’eau. Fixées au sol, elles ne peuvent se déplacer comme les animaux ou les hommes au gré des saisons et du cycle de l’eau. Elles doivent donc subir les variations de températures et de précipitations. De nombreuses plantes sont annuelles : l’eau leur permet de pousser et de produire des graines. La graine, qui est sèche au départ, va ensuite donner naissance à une nouvelle plante grâce à l’eau.

Si la plupart des plantes meurent lorsque le milieu dans lequel elles poussent ne fournit plus la lumière, la chaleur ou l’eau nécessaires, d’autres en revanche résistent. Ce sont ces plantes qui ont intéressé les chercheurs.

Le piège des radicaux libres

 

Les plantes ont la capacité extraordinaire de réaliser la photosynthèse en combinant le dioxyde de carbone et l’eau. Mais encore une fois, elles sont dépendantes de leur milieu: dès qu’il y a de la lumière, elles captent l’énergie dans leurs feuilles, y compris lorsqu’elles manquent d’eau et qu’elles ne peuvent donc plus réaliser la photosynthèse. Le CO2 stocké dans les feuilles est alors combiné à l’oxygène qui se trouve dans l’air, ce qui génère des radicaux libres qui dégradent la plante. Toutefois, certaines plantes ont la capacité d’éviter de capter la lumière et les radicaux libres en se recroquevillant quand elles n’ont plus d’eau. Ce sont les plantes reviviscentes.

La reviviscence, un miracle de la nature

Qu’est-ce que la reviviscence? Ce mot, employé pour la première fois par les naturalistes au XVIème siècle, signifie un retour à la vie active de formes vivantes, tels les végétaux, après un état de vie latente sous l’effet de la dessiccation, c’est à dire le fait de se dessécher après avoir perdu la quasi totalité de leur eau. Ainsi, pendant les longues  périodes sèches ou froides, elles vont perdre environ 90 % de leur eau et passer en mode de vie ralenti avec un arrêt de leur croissance et de leur métabolisme. On appelle cela l’anhydrobiose.

Ce phénomène peut durer des mois, voire des années. Dans des milieux arides ou désertiques elles vont ainsi avoir la faculté de s’adapter et de ne pas mourir malgré l’absence d’eau. Puis, dès qu’elles seront à nouveau au contact de l’eau, elles vont se réhydrater en quelques minutes et reprendre une vie active.

On recense environ135 plantes reviviscentes aujourd’hui mais il en existe sans doute beaucoup plus.

Les plantes reviviscentes: une manne pour nourrir l’humanité

 

Jill Farrant, professeur de biologie cellulaire et moléculaire à l’université du Cap, affirme que les plantes reviviscentes sont la solution pour assurer la sécurité alimentaire de la population mondiale.

Fille de fermier, elle aime rappeler qu’elle a découvert ces plantes qu’elle nomme « plantes résurrection »  à l’âge de 9 ans et a retranscrit cette découverte dans son journal intime. Elle y consacre sa carrière. C’est aujourd’hui une experte mondiale reconnue qui a été récompensée par le prix L’Oréal-UNESCO en 2012.

Elle espère créer de nouvelles variétés de plantes destinées à l’agriculture qui seraient résistantes au manque d’eau. Ainsi elle souhaite combiner le teff, qui est une céréale très nourrissante et qui constitue un aliment de base en Ethiopie et en Erythrée, à une plante reviviscente très proche du teff, l’Eragrostis nindensis. C’est un travail de sélection traditionnel.

Elle utilise aussi la biotechnologie, en introduisant des gènes de plantes reviviscentes dans le génome de plantes agricoles, afin qu’ils puissent fabriquer des anti-oxydants qui leur permettront de neutraliser les radicaux libres. Les résultats de ces travaux pourraient être appliqués au maïs pour le rendre plus résistant. Jill Farrant affirme que ces OGM ne sont pas dangereux pour la santé puisque leur seule différence avec une plante classique réside dans leur quantité d’anti-oxydants. Elle souligne que ces OGM seraient produits avec une société de biotechnologie répondant à une éthique et dans le but de sauver des vies.

Enfin, un dernier axe de recherche de la biologiste est la réactivation dans les plantes des gènes utilisés par les graines pour se dessécher sans se dégrader. Ces gènes sont présents dans les plantes mais à l’état « dormant ». La scientifique espère les réactiver afin que les plantes résistent aux sécheresses.

La reviviscence est donc une belle illustration de la capacité d’adaptation des êtres vivants. Elle nous démontre aussi que lorsque l’intelligence de l’homme est l’alliée de la nature, elle est capable de mettre en oeuvre des solutions pour faire face à la pénurie d’eau. Encore faut-il que l’homme agisse de façon responsable et en accord avec la nature.

Isabelle Gheleyns-Guedj

Sources: Utube: Resurrecting food security for Africa/ Jill Farrant TEDX Capetown

science-nature.fr: Plantes de milieux secs: les xérophytes

Vidéo: extrait chaine youtube Natacha Leroux, blog permaforet.org

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