Les énergies marines : un bateau qui prend l’eau ?

hydrolienne - énergie marine renouvelable

Si les énergies renouvelables font aujourd’hui l’unanimité, les énergies marines renouvelables (EMR) connaissent un essor considérable : houlomoteur, marémoteur, éolien ou hydraulique, la mer renferme ainsi une importante diversité de producteurs d’électricité. Eoliennes offshore et hydroliennes paraissent donc une alternative raisonnable : elles utilisent les énergies marine et éolienne pour produire de l’électricité, et ce, à un coût raisonnable. Toutefois, malgré des avantages considérables, une multitude de problèmes semble pourtant entraver leur développement.

Les éoliennes offshore : une nouvelle production d’énergie

L’Agence internationale de l’énergie estime que « devant le nucléaire, le charbon ou le gaz, le vent marin sera en 2040 la première énergie de production d’électricité dans le monde. Et la première source d’énergie renouvelable ». Ainsi, les éoliennes offshore, qu’elles soient posées sur un socle en béton ou flottantes, ancrées au moyen de câbles, apparaissent être la solution idéale afin de  fournir une énergie renouvelable et non polluante. Bien plus efficaces que sur terre, les vents marins sont en effet bien plus forts et réguliers, ce qui permet une production optimale d’énergie. A puissance égale, une éolienne offshore peut donc produire jusqu’à deux fois plus d’électricité qu’une éolienne terrestre. En Europe, c’est le Royaume-Uni qui domine la production éolienne avec une puissance totale de 9945 MW, contre 2 MW pour la France. À l’horizon 2030, le pays prévoit alors d’exploiter 17 parcs éoliens offshore.

Les éoliennes posées 

Les éoliennes en mer sont pour la plupart fixées sur les fonds marins bétonnés en eau peu profonde, au moyen d’une fondation, qui peut être de type « monopieu » (tube métallique enfoncé dans le sol comme un clou), « jacket » (tour métallique à 3 ou 4 pieux enfoncés dans le sol) ou « gravitaire » (socle pyramidal en béton posé au sol). L’éolien posé est adapté à des profondeurs ne dépassant pas 50 à 60 mètres.

Elles fonctionnent alors sur le même modèle que les éoliennes terrestres : l’énergie du vent est transformée, grâce aux trois pales, en énergie mécanique puis, grâce à des turbines, en énergie électrique, qui est conduite par un câblage interne à une sous-station électrique avant d’être acheminée vers la terre. 

Toutefois, de nombreux désavantages existent également: au niveau de la pose des éoliennes, le forage des sols puis le bétonnage de ceux-ci induisent une destruction des fonds benthiques, et ainsi la disparition de toute la faune et la flore. De même, 160kg d’aluminium par jour sont déversés dans l’eau et la polluent durant toute la durée de vie des éoliennes, du fait de la dissolution des anodes dans la mer : loin de préserver l’intégrité des écosystèmes, cette énergie marine renouvelable se voit alors concurrencer par un autre type d’éoliennes offshore.

Les éoliennes flottantes 

Au-delà d’une cinquantaine de mètres de profondeur, le principe d’éoliennes flottantes s’impose puisque ces éoliennes n’ont plus leurs fondations fixées sur les fonds mais elles y sont seulement ancrées au moyen de câbles. Ces éoliennes ont l’avantage d’être éloignées des côtes et donc de bénéficier de vents plus forts et plus réguliers. Plusieurs technologies sont en cours de développement, notamment des structures flottantes arrimées au fond ou des plateformes submersibles. Cette perspective ouvre donc des pistes intéressantes : le béton n’est plus nécessaire, les conflits d’intérêts se font moins fréquents car les éoliennes sont loin des côtes et des zones de pêche, et le paysage est préservé. Bien plus écologique, ce nouveau modèle éolien offre de nombreux avantages.

Cependant, encore au stade expérimental, cette technologie doit faire face à la difficulté de concevoir des flotteurs à la fois souples et stables pour résister à de mauvaises conditions météorologiques et à une forte houle.

Les hydroliennes : moins visibles et plus puissantes

Il s’agit, cette fois, d’exploiter non plus le vent mais l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux, c’est-à-dire des déplacements horizontaux de masses d’eau. Celle-ci est alors transformée en énergie mécanique grâce à une turbine immergée actionnée par le passage de l’eau, et ensuite convertie en énergie électrique par un alternateur. L’électricité produite est acheminée vers le réseau continental par des câbles sous-marins. 

Ce mode de production a notamment pour avantage d’être régulier, inépuisable et prévisible. De même, elle est peu polluante, car son exploitation ne génère aucun déchet. Du fait de la masse volumique importante de l’eau, 800 fois supérieure à celle de l’air, les hydroliennes, pour une production équivalente, sont ainsi beaucoup plus petites que les éoliennes, et ont également un impact visuel limité, placées sous l’eau. 

D’après EDF, le potentiel européen exploitable serait d’environ 12,5 GW, dont 2,5 GW sur les côtes Françaises, soit l’équivalent de 12 réacteurs nucléaires de 900 MW. Toutefois, cette énergie marine renouvelable reste encore minime, et aucune hydrolienne commerciale n’est pour l’instant en service. 

En effet, de nombreux inconvénients subsistent encore. Les turbines des hydroliennes peuvent entrainer la création de zones de turbulence, ce qui perturbe le développement de la flore marine et endommage durablement l’écosystème, notamment blesser ou tuer les animaux à cause de l’attraction causée par le mouvement des pales. 

Houle et marée : vers de nouvelles alternatives 

L’énergie houlomotrice, produite par le mouvement des vagues, reste encore au stade exploratoire, mais constitue une alternative prometteuse aux éoliennes et hydroliennes  Ainsi, la chaîne flottante articulée (ou « serpent de mer ») composée de longs flotteurs alignés perpendiculairement aux vagues ancrés au fond sous-marin par un câble, permet une production d’électricité grâce à l’oscillation de la chaîne qui comprime un fluide hydraulique qui entraîne à son tour une turbine. Un prototype mis en place au Portugal, produit une puissance de 750 kW.

Les usines marémotrices utilisent pour leur part l’énergie du marnage. C’est alors l’énergie potentielle des marées, liée à la variation du niveau de la mer, qui est exploitée grâce à un barrage pourvu de turbines. La première usine marémotrice produisant de l’électricité par la force des marées est l’usine marémotrice de la Rance, dans le nord-est de la Bretagne, mise en service en 1966. Toutefois, la construction de barrages peut perturber et provoquer des modifications de la faune et la flore de l’écosystème d’un fleuve. 


Ainsi, malgré de nombreuses difficultés rencontrées tant au niveau de la mise en place que du fonctionnement des systèmes exploités, les énergies marines renouvelables se révèlent fructueuses, et peuvent constituer une alternative durable aux énergies polluantes et non-renouvelables : les avancées techniques considérables permettent de réduire leurs effets indésirables, et de les rendre plus performantes et plus puissantes. 

Victoire Guedj

Autres publications