La Cloaca Maxima : une idée qui suit son cours

cloaca maxima

La Cloaca Maxima, aussi appelée « plus grand égout » est également le premier construit au monde. Son rôle ? Assainir les marécages, récupérer l’eau de pluie, et évacuer les eaux usées des sept collines de la Rome Antique. Construite sous le roi Tarquin l’Ancien, vers 600 avant J.-C, cette création novatrice est pourtant tombée en désuétude durant plus de 1500 ans, avant de reparaître au XIXe siècle, restaurée après de nombreuses fouilles archéologiques. Dans quelle mesure cette merveille technique et architecturale, pourtant oubliée pendant de nombreux siècles au profit du « tout-à-la-rue », a-t-elle permit à Rome de prospérer et d’optimiser sa gestion de l’eau ?

Sa création

Après une montée au pouvoir difficile, Tarquin l’Ancien tente d’imposer son pouvoir tant aux niveaux politique et militaire qu’administratif. Ainsi lui doit-on notamment la construction du forum, du Circus Maxima, et surtout de la Cloaca Maxima. Le roi étrusque ordonne alors la mise en place d’un canal à ciel ouvert, qui traverserait le forum du nord-est au sud-ouest vers le Circus Maxima, ainsi que le quartier du Vélabre. Il recueillerait les eaux des vallons situés entre les collines du Quirinal et de l’Esquilin avant de se déverser dans le Tibre, entre les monts Palatin et Sublicius. La Cloaca Maxima, dont la création découle des techniques étrusques, est alors à la genèse de la suprématie romaine : le vallon marécageux, dont le seul atout était son alimentation en eau par le Tibre, est alors devenu une ville précoce dont le génie civil et ses prouesses architecturales étonnent encore. Ainsi, l’accès à l’eau potable comme le traitement des eaux usées posent ici les fondements d’une cité prospère et structurée et d’une grande maîtrise de l’eau. Il est toutefois important de noter que le déversement des eaux usées dans le Tibre a largement pollué ce fleuve, notamment en plomb.

Son fonctionnement 

L’égout, d’une longueur de 812 mètres pour 2 à 4,5 mètres de large et de 3,5 mètres de hauteur porte bien son nom ! Il est notamment consolidé par des blocs de pierre sèche de large envergure taillés dans du pépérin ou du tuf volcanique, deux roches d’origine volcaniques provenant de Rome. Son tracé suit un chemin bien précis. Ainsi, le conduit débute au Transitorium, avant de diviser en deux canaux (le deuxième résultant de travaux postérieurs). Tandis que le premier passe sous la basilique Aemilia, le deuxième ne fait que la contourner. Finalement, les deux conduits se rejoignent au niveau du sacellum de la Vénus Cloacina, petit sanctuaire romain rendant un culte à la déesse étrusque, divinité de la purification. Enfin, l’égout traverse le Forum et le Vélabre, et passe notamment sous la basilique Julia.

Ses aménagements

De nombreux travaux ont également été menés autour de cet égout. Ainsi, c’est sous Tarquin le Superbe, dernier roi romain, que ces canaux furent définitivement mis en place. Souverain tyrannique, celui-ci n’hésita pas à imposer la contribution des plébéiens afin d’accélérer les travaux. C’est d’ailleurs pour cette même raison que ce canal fut nommé « fossé des Quirites », ces derniers étant des citoyens romains habitant à Rome.

Ce n’est que postérieurement au IIIe siècle avant J.-C. que le canal fut recouvert, transformé en égout souterrain et permettant ainsi la construction de bâtiments couvrant la trachée. Cette décision a notamment été mise en place suite aux nombreuses épidémies qui ravageaient la Rome Antique, liées au manque d’hygiène. La voûte de cet égout est ainsi composée de trois arches concentriques, et comporte une paroi de maçonnerie ou de briquetage selon son emplacement. A partir de 33 avant J.-C, Agrippa, en tant qu’édile (magistrat notamment chargé de l’inspection des édifices et de l’approvisionnement de la ville) entreprit lui-aussi la rénovation et l’agrandissement du réseau d’acheminement des eaux. Ainsi, d’abord créé afin de drainer l’eau du sol, suite à l’accroissement de la population sous la République, son rôle premier était alors d’assécher et assainir les nombreux marécages de Rome afin de les rendre constructibles. Ce n’est donc que bien plus tard que sa qualité d’égout devint prédominante.

Sa postérité

De nombreux philosophes et écrivains romains ont d’ailleurs rendu hommage à la Cloaca Maxima, dont la création relève de l’exploit. Tite-Live, alors historien de la Rome Antique, mais aussi le géographe et historien grec Strabon, ou encore l’historien naturaliste romain Pline l’Ancien ont ainsi reconnu le génie de cet égout aux origines duales, au fondement étrusque et à l’amélioration romaine.

Cependant, malgré la reconnaissance de sa nécessité, la Cloaca Maxima, connue pour son insalubrité et ses émanations nauséabondes, est néanmoins oubliée durant le Moyen-Âge : faute de tout-à-l’égout les déchets étaient directement déversés dans les rues, engendrant de nombreuses épidémies, et notamment la peste noire. Toutefois, il faut pourtant noter que les établissements religieux ont à leur tour développé leurs propres techniques d’assainissement. C’est le cas de l’abbaye de Cluny, à la tête d’un réseau très développé, mais aussi des Hospices de Beaune, qui utilisaient le courant du ruisseau sur lequel ils étaient positionnés afin d’évacuer leurs effluents.

Ce n’est finalement qu’à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle que la Cloaca Maxima fut redécouverte, suite à des fouilles archéologiques. Toutefois, il fallut attendre 1871 pour que l’égout soit purgé des impuretés qui l’obstruaient, et le début du XXe siècle pour que le conduit soit restauré. Aujourd’hui encore, la Cloaca Maxima reste en service et fait office d’égout principal, les nouveaux conduits y étant raccordés

Nos égouts, construits sous l’impulsion du baron Haussmann durant la deuxième moitié du XIXe siècle, sont ainsi directement hérités de cette belle invention étrusque mise en application par les Romains. Ces derniers, particulièrement préoccupés par cette ressource essentielle qu’est l’eau, avaient d’ailleurs démontré leur prouesse en la matière, notamment par la multiplication d’aqueducs dans tout l’Empire.

Victoire Guedj

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