L’eau : splendeur et misère de la civilisation maya

Eau chez les mayas

La civilisation Maya s’est distinguée par son ingéniosité dans de nombreux domaines. Les Mayas ont notamment inventé une écriture hiéroglyphique, un calendrier et ont élaboré une architecture grandiose. Des Etats indépendants, gouvernés par des rois et une organisation hiérarchique, se sont développés vers 300 après J-C et ont prospéré jusqu’en 900. A compter de cette date, un déclin s’est amorcé pour aboutir à l’effondrement des cités mayas.

La brillante gestion de l’eau des Mayas est liée à leur expansion. A l’inverse, l’absence ultérieure de prise en compte des contraintes environnementales par les Mayas, ainsi que le bouleversement du cycle de l’eau qui a suivi, ont entraîné la chute de cette grande civilisation.

L’ingéniosité hydraulique des Mayas

La gestion de l’eau des Mayas était particulièrement remarquable au départ puisqu’ils ont réussi à s’adapter à des conditions climatiques difficiles.

Adrian Chase, auteur d’une étude sur le sujet datant de 2018 démontre que  « les infrastructures liées à l’eau dépendaient étroitement des configurations topographiques et des conditions environnementales dans lesquelles ils bâtissaient leur ville. » Ainsi si la cité de Caracol construisait des terrasses agricoles et se dotait de multiples réservoirs d’eau, afin de limiter l’érosion des sols due au ruissellement,  les ingénieurs de Tikal  quant à eux, construisaient d’immenses réservoirs, celui de Corriental ayant une contenance de 58 millions de litres. Cette région nord du Yucatán connaît des variations climatiques importantes alternant saison sèche et saison humide et il était donc vital pour les Mayas de réussir à stocker l’eau potable. L’eau de pluie était ainsi recueillie pendant la saison des pluies et stockée grâce à un système de canaux et de réservoirs artificiels.

Le plus ancien système de traitement de l’eau

Le problème du stockage de l’eau réside dans la prolifération des bactéries qui se développent dans l’eau stagnante, et les Mayas savaient qu’une eau contaminée est à l’origine de maladies mortelles.

Or une étude, menée au réservoir du Corriental à Tikal par une équipe composée d’anthropologues, de géographes et de biologistes de l’université de Cincinnati et publiée en octobre 2020 dans la revue Scientific Reports, a permis de découvrir que les Mayas avaient créé un système révolutionnaire grâce à l’utilisation de minéraux pour filtrer l’eau et la rendre potable. Le quartz filtre les débris organiques tandis que les zéolites sont capables de capter les micro-organismes et tous les composés organiques et inorganiques qui rendent l’eau impropre à la consommation. Et ils ne sont pas toxiques. L’eau passe donc par le mélange de zéolites et de quartz qui est lui-même maintenu par deux nattes de feuilles de palmier. Une seconde filtration entre des pierres calcaires lui permet enfin d’être totalement potable.

Notons qu’en Occident, c’est seulement en  1756 que le chimiste suédois Axel Fredrik Cronstedt identifiait la première zéolite. Le quartz et la zéolite sont encore utilisés pour filtrer l’eau.

Les Mayas victimes de leur croissance

Les pluies abondantes et cette gestion de l’eau performante conduisent progressivement à la prospérité des cités mayas, entre 300 et 750, ce qui entraîne une forte croissance démographique. C’est alors que tout change: pour parvenir à nourrir l’ensemble de la population, les sols déjà pauvres en nutriments sont surexploités, les cultivateurs ne respectent plus les temps de jachère et les rendements deviennent très faibles.

Déforestation et non respect du milieu naturel

Les paysans qui cultivent le maïs doivent alors augmenter leur surface cultivable au détriment des forêts. Cette déforestation a des conséquences dévastatrices. En effet, elle entraîne l’érosion des sols, des glissements de terrain, et l’appauvrissement de sols déjà peu productifs. Et ce n’est pas tout.

Bouleversement du cycle de l’eau lié à la déforestation

En 2012 des scientifiques ont procédé à des analyses chimiques de stalagmites dans une grotte de la région du Belize et ont ainsi réussi à démontrer que la déforestation est à l’origine du dérèglement climatique de la région. Ainsi une phase de sécheresse à compter de 800 a succédé à une phase de pluviosité de 450 à 650. Benjamin Cook, climatologue ayant participé à l’étude, souligne que la déforestation et la culture intensive du maïs ont « réduit le niveau d’humidité transféré du sol vers l’atmosphère, ce qui a fait baisser le niveau des précipitations ». Martha Macri, qui a aussi participé à l’étude, relève que les Mayas gravaient les évènements historiques tels que les guerres, accessions au trône, etc., dans la pierre. Or cette tradition d’inscription s’achève vers 900 concomitamment à l’effondrement de la civilisation Maya classique.

Salomon Jean-Noël, géographe, dénonce dans Le déclin de la civilisation classique Maya:

 « La mise en valeur destructrice d’un environnement particulièrement fragile, à savoir la forêt tropicale. Le déséquilibre écologique provoqué, en l’espace de quelques siècles, du fait d’une croissance démographique inadaptée au milieu de production, a inexorablement conduit au déclin d’une civilisation ».

Les paysans mayas durent abandonner les cités et migrer vers d’autres régions, à l’ouest du Mexique, pour subvenir à leurs besoins alimentaires.

Quels enseignements tirer de ce désastre écologique?

En définitive, ce bouleversement du cycle de l’eau lié au non respect de l’environnement et conduisant à l’effondrement d’une grande civilisation nous rappelle que le milieu dans lequel nous vivons doit absolument être préservé car il est indispensable à notre survie. L’observation et la compréhension de notre environnement, des ses atouts et de ses faiblesses, de ses possibilités mais aussi de ses contraintes, est indispensable.

Les Mayas n’ont pas pour autant disparu avec l’effondrement de leurs cités. Ils sont retournés vivre dans les forêts en changeant leur mode de vie et en trouvant des solutions d’adaptation pour survivre à ce bouleversement. Six millions de Mayas vivent aujourd’hui principalement en Amérique centrale et leur culture ancestrale perdure à travers leurs coutumes et les langues mayas.

Sources:

Adrian S.Z. Chase & Rufolf Cesaretti:  Diversity in ancient Maya water management strategies and landscapes at Caracol, Belize, and Tikal, Guatemala Wiley Online Library, dec. 2018

Revue Scientific Reports Published: 22 October 2020

Zeolite water purification at Tikal, an ancient Maya city in Guatemala

Jean-Noël Salomon: Le déclin de la civilisation classique Maya: explications

Les Cahiers d’Outre-Mer 2009

A lire aussi: L’eau et l’Egypte pharaonique: grandeur et décadence.

Isabelle Gheleyns-Guedj

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