L’eau et l’Egypte pharaonique: grandeur et décadence

L’eau et l’Egypte pharaonique: grandeur et décadence

L’empire égyptien a duré plusieurs millénaires, et nous fascine encore aujourd’hui par sa longévité et l’héritage culturel qu’il nous a laissé. L’Egypte antique doit son essor et sa prospérité au Nil. Hérodote disait d’ailleurs que « l’Egypte est un don du Nil ».

Si l’on peut affirmer que l’eau est donc à l’origine de sa prospérité, des études récentes concluent également que des bouleversements climatiques et le manque d’eau auraient contribué à la chute de l’Egypte pharaonique, Cléopâtre en étant la dernière représentante.

Qu’en est-il et quelles leçons tirer de l’Histoire aujourd’hui?

A la source: le Nil

Ce n’est pas un hasard si l’on nomme la civilisation égyptienne « civilisation du Nil » car du fleuve dépendaient non seulement la prospérité de la nation et son existence même.

Les Egyptiens ont divinisé le Nil pour ses bienfaits, il était pour eux le dieu Hâpy. Long de 6700 km, le fleuve déposait chaque année au moment des crues un limon fertile provenant d’Ethiopie qui fera de l’Egypte un véritable grenier à blé durant l’Antiquité. Les Egyptiens attendaient beaucoup des crues, puisque des crues trop faibles empêchaient une bonne irrigation, et des crues trop fortes provoquaient des inondations. Ils faisaient donc beaucoup d’offrandes au dieu Hâpy. Mais ils ne se contentaient pas d’offrandes et ont également effectué beaucoup d’aménagements hydrauliques grâce à des moyens humains, techniques et financiers considérables.

Les dignitaires et pharaons égyptiens avaient bien saisi l’enjeu économique et politique que représentait l’eau, source de prospérité et par conséquent de stabilité et de renforcement de leur pouvoir. Ils savaient également qu’une bonne gestion de l’eau déterminait aussi le développement social et culturel de l’Egypte, et donc son rayonnement.

Les scribes et la gestion de l’eau

Les scribes étaient évidemment des personnages clés dans cette gestion de l’eau. Ils utilisaient des nilomètres, c’est à dire des puits ou des escaliers aux parois graduées, en communication avec le Nil, qui permettaient de surveiller avec précision le niveau des eaux lors des crues. Les scribes effectuaient des relevés réguliers afin d’estimer les récoltes à venir. Et, à partir de ces estimations, ils définissaient les impôts. Ainsi Danielle Bonneau, papyrologue, soulignait dans ses recherches sur le nilomètre que  celui-ci « a été un instrument de pouvoir. (…) Les effets de l’irrigation naturelle et de l’irrigation artificielle sont pour ainsi dire automatiquement prévisibles à partir des données nilométriques datées : «Tant d’eau, tant de blé». Le gouvernement du pays peut ainsi connaître plus de six mois à l’avance, la production agricole et, de là, le résultat des perceptions fiscales. (…) Par son caractère répétitif, par ses données numériques adaptées aux principaux points de la vallée, le nilomètre a modifié la portée de la connaissance géographique essentielle du pays ». Et elle concluait que le nilomètre «apparaît, par comparaison avec l’histoire des civilisations d’autres pays, comme un des progrès technologiques les plus anciens et les plus marquants de l’humanité ».

Alors comment cette civilisation si ingénieuse a-t-elle décliné? Qu’est-ce qui a causé la chute de l’empire ptolémaïque et la fin de l’Egypte pharaonique?

Celle-ci serait liée à une conjonction de facteurs économiques et sociaux: des famines, des épidémies, des révoltes. Mais quel en a été le catalyseur?

Une série d’éruptions volcaniques aurait contribué à la chute de la dernière dynastie égyptienne

Un groupe de chercheurs, parmi lesquels Joseph G. Manning, historien à l’université de Yale (Etats-Unis) a découvert qu’un changement climatique aurait accentué les multiples problèmes auxquels était confrontée la société égyptienne et aurait contribué à la chute de la dernière dynastie. Tout aurait commencé avec l’éruption du volcan Okmok en Alaska, survenue en 43 avant Jésus-Christ. En effet, les volcans en activité peuvent perturber le climat d’une région en diffusant du dioxyde de soufre dans la stratosphère. Le volcanisme a des effets sur les températures terrestres et sur l’hydrologie. Francis Ludlow, historien du climat à Trinity Collège à Dublin et qui a participé à la recherche précise que « l’éruption d’un volcan dans l’hémisphère Nord peut directement altérer les systèmes de mousson au-dessus de l’Afrique et des hauts plateaux éthiopiens ». Il indique qu’ « en haute altitude, les cendres et le soufre s’oxydent et forment de petites particules, des aérosols sulfatés, qui réfléchissent le rayonnement solaire, ce qui conduit à un refroidissement des températures ». Ce refroidissement conduit à une évaporation moins importante des océans et à une diminution des précipitations. Andrew Wilson, archéologue de l’Université d’ Oxford en déduit que « dans la région méditerranéenne, ces conditions humides et extrêmement froides durant le printemps et l’automne, saisons très importantes pour l’agriculture, ont probablement réduit le rendement des récoltes et créé des problèmes d’approvisionnement”.

Les perturbations climatiques ont provoqué une diminution substantielle des récoltes et donc des famines et l’absence de levée d’impôts. Les problèmes économiques ont exacerbé ainsi les conflits sociaux existants et ont contribué à l’affaiblissement puis à la chute de l’Egypte ptolémaïque avec le suicide de Cléopâtre en 30 avant notre ère.

Quelles leçons tirer de l’Histoire?

Les Égyptiens de la fin de l’époque pharaonique, ainsi que leurs successeurs romains, avaient compris qu’ils ne pouvaient plus dépendre exclusivement du Nil et se sont donc intéressés aux nappes d’eaux souterraines contenues dans les aquifères. Les Romains ont alors créé des puits et des canaux; des oasis ont ainsi vu le jour, permettant le développement de la production d’olives. Les aquifères permettent en outre de disposer d’une réserve d’eau toujours disponible quels que soient les aléas climatiques.

En conclusion, il nous appartient aujourd’hui d’une part de tout mettre en oeuvre pour lutter contre les changements climatiques, et d’autre part de savoir rebondir et nous adapter aux circonstances, à l’instar de nos antiques prédécesseurs, en mettant notre intelligence et notre ingéniosité au service de l’ environnement et en optant pour une bonne gestion de l’eau. Ce qui implique bien évidemment de ne pas épuiser nos aquifères comme c’est malheureusement le cas depuis les dernières décennies. 

Isabelle Gheleyns-Guedj

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